Le sujet d’un effondrement de notre civilisation et de la nécessité de repenser nos habitudes, dans les années à venir, se démocratise. Partout, on parle d’éco-gestes citoyens, pour le climat, la planète. L’action individuelle nous permet de lutter contre notre éco-anxiété et la culpabilité. Mais…les vrais coupables ne seraient-ils pas encore et toujours les plus riches ?

Qui doit repenser ses habitudes pour le climat ?
Nous occidentaux, ou plutôt nos élites riches, lobbyistes et cyniques. Celles qui ont fait tripler la population de la planète.
2 milliards en 1930, 4 en 1970, 8 milliards aujourd’hui (Source : Comment tout peut s’effondrer, Pablo Servigne, Raphaël Stevens). Notamment à cause de l’agriculture industrielle. En effet, sans cette dernière, 2 personnes sur 5 n’existeraient pas sur notre planète.
Nous payons le choix d’un monde NON DURABLE, voulu par ceux qui nous gouvernent et leurs copains, dans les années 1970, quand il était encore temps d’inverser la vapeur.
À cause de quoi ? À cause de leur obsession malsaine de la croissance, obsession patriarcale de savoir qui pissera le plus loin, au détriment de la réalité et de l’état de la planète. Ils partent du principe que leur argent les sauvera.
Comme dans le pire film de science-fiction qui soit, ils prendront des mesures, en temps et en heure, pour faire disparaître ceux qui paniqueront dans les rues, lorsque le chaos causé par le changement climatique battra son plein.
Nos élites doivent prendre leurs responsabilités
De gouvernement en gouvernement, toujours la même déception. Ils se sont tous employés à nous faire oublier une lueur d’espoir, qui a brièvement émergé en 1989. Antoine Waechter, un écologiste avait fait plus de 10 % aux élections européennes !
Envolées aussi, les promesses du plan Ecophyto, lancé en 2008.
L’ambition de ce plan était de réduire l’usage des pesticides de 50 % en 10 ans. Or, la consommation de ces produits a augmenté de 20 % au cours de la même période !
Et ne parlons pas de l’interdiction des poules en cage, des mesures peu courageuses sur la fin des néonicotinoïdes alors que l’urgence est absolue.
Oubliées les promesses de changement liées au gouvernement de Macron/Édouard Philippe.
Malgré l’insistance d’écologistes de divers horizons, malgré le trophée Hulot au gouvernement, 1500 gendarmes/militaires furent envoyés à Notre-Dame-des-Landes pour chasser les zadistes. Zadistes qui faisaient quoi ? Qui innovaient pardi ! Il est pas fan d’innovation et de start-up, Macron, à la base ?
Qui peut contester le bien-fondé d’écolieux, d’un retour à l’agriculture raisonnée ou biologique, à la vie en collectivité, à la préservation et l’entretien des zones humides, à l’heure où le changement climatique commence à se faire sentir ?
Pourquoi un tel déni lorsqu’il est grand temps de commencer une transition énergétique d’ampleur ?!?
Le ras-le-bol citoyen pour faire bouger les lignes !
Les changements sont toujours venus de la société civile. Avortement, droit de vote des femmes, pilule, c’est toujours le ras-le-bol citoyen qui a bougé le politique, et non l’inverse.
Nous sommes également les seul.e.s à pouvoir changer nos représentations, impressions. Ce n’est pas parce qu’on croit que tout semble désespéré, sans espoir que ça l’est réellement. Chacun peut se mobiliser, faire grossir les rangs de la marche pour le climat.
Nous sommes tous soumis à la dilution de la responsabilité individuelle. C’est-à-dire au fait d’attendre qu’un assez grand nombre d’individus agissent pour s’y mettre à notre tour.
Nous sommes tous freinés par nos croyances limitantes. C’est-à-dire qu’on se représente le monde « d’après ce que l’on croit que les autres pensent du monde et de nous-mêmes (spécularité)« . Mais la carte n’est pas le territoire.
« Nos représentations du monde ne sont pas la réalité du monde. Beaucoup de personnes, de groupes, d’organisations à travers la planète ont déjà commencé à modifier leurs habitudes de vie, progressivement, à cultiver l’envie de faire bouger les lignes. » (Pablo Servigne, Raphaël Stevens).
Optimisme : François Ruffin revient sur l’année 1936
On peut toujours espérer un sursaut : de grands mouvements de contestation populaires peuvent se produire de façon inattendue, comme les Gilets Jaunes par exemple.
Les marches pour le climat et attaques des états devant les tribunaux ont pris de l’ampleur. On voit que cela ne change rien ou presque.
On a l’impression diffuse que les uns et les autres ne se mobilisent pas ou trop doucement. Ca explosera peut-être d’un coup. C’est peu ou prou ce qu’explique François Ruffin, à propos de l’année 1936.
Quelques mois avant le Front Populaire, les gens sont d’un niveau de découragement, d’un niveau de désespérance qui semble atteindre des sommets.
Simone Veil décrit à l’époque le niveau de découragement d’apathie politique, d’indifférence des salariés.
Et en quelques semaines, mois ça se transforme. Le début de 1936, c’est 1934. Les fascistes sont devant l’Assemblée et manquent de faire tomber la 3ième république. On se mobilise alors contre les fascistes pour une république pourrie, vérolée. Deux ans après, les Français ont les congés payés, les 40 h, le Front Populaire.
Il faut remplacer la culpabilité par l’action.
Nous devons cesser de culpabiliser d’être de riches occidentaux, habitués au tout jetable (serviettes, gobelets, couverts), aux déplacements à volonté (la voiture), à un accès illimité à l’eau.
Nous sommes soumis aux habitudes de notre monde artificiel et hors-sol. Nos pompes à essence, nos cartes de crédit…
Un système fragile qui, au moment de l’effondrement ne pourra tout au plus perdurer que quelques jours ou semaines (Source : Comment tout peut s’effondrer, Pablo Servigne, Raphaël Stevens).
Nous pouvons changer un certain nombre de nos habitudes, en fonction du temps et du budget dont nous disposons.
Nous pouvons BOYCOTTER une partie des multinationales qui nous culpabilisent, et se moquent de nous. À ce titre, le reportage d’Élise Lucet, « Plastique, la grande intox », était évocateur.
Afin de pouvoir vendre toujours plus de produits dans des contenants en plastique, certains industriels nous désignent, NOUS, citoyens, comme responsables de la pollution plastique.
« Si les gens ne jetaient pas leurs déchets n’importe où aussi… », se rengorgent de vieux hommes blancs en costard cravate.
Ah, c’est si facile de s’en prendre au citoyen lambda. Mais le citoyen lambda peut boycotter. La carte bleue est aussi une carte de vote, par certains aspects.
Et si on arrêtait de se juger les uns les autres ?
Quid de cette faculté contre-productive que nous avons à jauger ce que fait ou ne fait pas le voisin ?
Le fait est que nos éco-gestes ne sauveront pas la planète et ne stopperont pas le changement climatique.
Nous vivons dans un monde tellement moderne que l’on se fait toujours rattraper par quelque chose.
Jérémie Pichon de la Famille Zéro Déchet commence souvent ses conférences par « on a un gros problème, c’est la voiture ».
Souvent, à la radio, lorsqu’un.e écolo s’exprime, s’il/elle évoque sa voiture, le journaliste sur-réagit !
Ah-hem, alors oui l’écolo vient porter une parole vertueuse et s’efforce de faire au mieux mais ce n’est pas Super(wo)man non plus… !
Rappelons qu’en France, depuis les années 60, on a tout construit autour de la voiture.
Hum, être écolo ne veut pas dire être un.e ermite exemplaire, coupé.e du monde moderne !
Le manque de nuance et le jugement à l’emporte-pièce sont très agaçants et nuisibles !
Même les plus fervents zéro-déchettistes se sont déjà retrouvés contraints de racheter une bouteille d’eau en plastique ou du dentifrice en tube. Quand ils font des gosses, bon nombre d’entre eux laissent tomber leur zéro déchet vertueux… m’expliquait une très bonne amie.
Moi j’aime voyager et je continuerai. Mais moi je n’ai pas d’enfants, j’évite l’avion autant que possible, je ne fais pas de vidéos. OK, j’ai un blog avec des écrits et images qui pèsent dans un datacenter.
Celui, celle qui visionne compulsivement des vidéos Youtube peut-il réellement reprocher aux autres de voyager en avion ? Youtube, ce sont des centaines de milliers de tonnes de CO2 par an !
J’ai vu quelques perosnnes juger et condamner très vite les autres ces dernières années, devant tout un groupe (effet garanti) alors qu’iels se trompaient royalement 😀 :
- s’imaginer que les autres ne font pas de covoiturage du tout ou passent leur temps en voiture juste parce qu’ils les voient en voiture à quelques occasions…
- s’imaginer que Truc ou Bidule est un.e gros.se bouffeur de viande parce qu’iel amène de la viande à un barbecue… alors qu’iel en mange moins d’une fois par semaine…
- pointer du doigt Truc ou Bidule parce qu’il vient d’acheter une bouteille d’eau alors qu’il a adopté les principes zéro déchet. Hum, peut-être que parfois, Truc ou Bidule n’a pas le choix.
- …
Les jugements à l’emporte-pièce et la médisance ordinaire sont d’une connerie abyssale. C’est souvent une façon d’essayer de prendre de l’ascendant sur un groupe. Ces techniques servent généralement à prendre le pouvoir dans un groupe, et ça marche. C’est moche, mais c’est comme ça.
Ah l’arrogance des petits coqs qui se comparent à toi et prennent les sujets écolos pour des motifs de compétition. Bonjour Immaturité !
Ces comportement nous desservent collectivement, surtout quand ils se présentent dans des groupes désunis, où il n’y a pas eu, de toute façon, de consensus sur des pratiques écolos à adopter.
C’est peut-être bien les personnes les plus critiques vis-à-vis des autres qui mentent et cachent le plus de dissonances inavouables.
Quoi qu’il en soit, adopter des principes très stricts qui ne vous conviennent pas, cela ne tiendra pas longtemps.
Mieux vaut faire des éco-gestes pour des choses qui nous parlent. Car qui est responsable de 70 % des émissions de gaz à effet de serre ? 100 entreprises. Oui, une centaine d’entreprises !
Occupons nous d’abord d’elle et ensuite réclamons notre carte carbone pour citoyen.ne lambda !
Comment modifier ses habitudes sans frustration pour le climat ?
La solution consisterait en un mélange de militantisme et de gestes écolos.
Rejoignons des associations, des collectifs citoyens pour pressuriser l’état grâce au droit !
Je ne serai pas étonnée que les générations futures, comme présenté dans The East (voir la bande-annonce du film ci-dessous) cherchent à empoisonner les lobbyistes avec leurs produits, à s’en prendre aux dirigeants de Dassault ou à leurs propres parents qui ont été au choix :
a/ dans le déni
b/ indifférents au futur terrible de leur progéniture
c/ complotistes et d’extrême-droite, donc qui n’en ont rien à foutre du climat
Culpabiliser les plus riches !
Les plus riches sont les plus grands pollueurs et c’est pourquoi nous ne devrions pas rater une occasion de les interpeller, au sujet de leurs véhicules, résidences secondaires et train de vie.
Je reprends ici les propos d’Aurélien Barrau pour interpeller le conducteur de SUV de luxe :
Qu’est-ce qui compte ? De pouvoir rouler en SUV en ville ou la santé des enfants qu’on a égoïstement mis au monde ?
La suite, c’est par ici : Climat : comment anticiper l’effondrement de notre civilisation industrielle (2/2)

Merci pour cette belle sélection 😉 Je crois en effet, comme toi, que la culpabilisation ne sert à rien et qu’il va falloir présenter les choses autrement pour que les gens se décident à changer (ce qui ne se fait pas en un coup de baguette de magique), comme l’a dit Jérémie Pichon à une connaissance, « Gare au burnout écolo ». Il faut que chacun.e fasse selon ses moyens, et à son rythme (même si l’on est pas sûr.e.s que ça suffise). L’écologie étant avant tout politique, il faudrait qu’un gouvernement s’en empare sérieusement, mais je ne crois définitivement pas en ce gouvernement ci pour faire pencher la balance ! En attendant, il n’y a que nous, consommatrices et consommateurs qui peuvent faire une vraie différence. Parce qu’on a tendance à l’oublier, mais un achat = un vote. Belle semaine à toi 🙂
Ah que merci. Cet article m’a donné quelques prises de tête tant je voulais y caser de nombreuses références. Il est pas trop mal dégrossi même si je continue à corriger des passages mal développés. Mais il a fini par naître.
Sage Mister Pichon ! C’est vrai que si on commence à en faire une obsession…on ne fait plus rien. Concilier sa vie et l’écologie, pas tooujours facile.
Oui on a sérieusement besoin d’un gouvernement courageux sur le sujet, pragmatique, car hélas, sans contrainte financière ou légale, beaucoup passent leur chemin et font des amalgames chiants (« tu fais ceci, mais pas cela…tu n’es pas un.e vrai.e écolo… ») ou des simplifications un peu faciles (« un sac plastique ou une bouteille de coca de plus ou de moins, qu’est-ce que ça peut faire – ne le ramasse pas ! – Ben si, je le ramasse, ça ne mange pas de pain ?!?).